À grands traits

19 avril 2004
Martine Rioux
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Le sommelier Patrick St-Vincent dessine comme il parle d’un bon vin : sans prétention. Explorateur des terroirs et des gens, il exprime dans l’art une créativité essentielle à son équilibre personnel.

«Buon giorno! Come sta?» La poignée de main aux visiteurs italiens est franche, le regard bleu, pétillant. Nul doute : Patrick St-Vincent est aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau au Daylight Factory, le nouveau bar-café qu’il a fondé avec son complice de l’excellent restaurant et bar à vin BU, Angelo Rindone.

Il faut dire que ce sommelier, l’un des plus respectés à Montréal, a l’Italie dans le sang depuis un séjour prolongé en Toscane, il y a quelques années. Mais même si le vin coule dans ses veines, la sommellerie est presque un compromis pour lui. Un gagne-pain qui le passionne… à défaut de gagner sa vie comme artiste.

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C’est sur le terrain qu’il a forgé son expérience. En 1996, après avoir été refusé une première fois au programme de sommellerie de l’École hôtelière des Laurentides, il a roulé sa bosse dans différents restaurants. Un jour, il décide de tout plaquer. Direction Chili, entre autres pour apprendre l’espagnol. De fil en aiguille, il est parvenu à se faire inviter dans les caves d’une vingtaine de producteurs du pays et à tisser des liens dans le milieu du vin. Aujourd’hui sommelier dûment diplômé du royaume de Jacques Orhon, sa feuille de route est impressionnante. Nommez une bonne table de Montréal ou des Laurentides, et vous êtes presque assuré qu’il y a bossé!

La compréhension de l’origine du vin, et le contact personnalisé avec les artisans qui sont derrière l’étiquette, demeurent les grandes forces de Patrick St-Vincent. D’ailleurs, ce qui le séduit d’abord dans un vin est l’expression du fruit la plus pure possible. «Ce qui m’intéresse, ce sont les vins qui ont été élaborés de façon naturelle, c’est-à-dire ceux qui contiennent peu de soufre (nécessaire à la conservation du vin).» Mais pour répondre aux désirs d’une certaine clientèle, les cartes de BU ou du Daylight Factory proposent aussi des vins millésimés ou considérés comme prestigieux.

Dessiner pour survivre
Il n’est pas tombé dans un tonneau quand il était petit : c’est plutôt dans une boîte de crayons qu’il a atterri, vers l’âge de quatre ans. «Je me souviens que je ne voulais pas aller à la prématernelle, et que je dessinais alors pour exprimer la peur que je ressentais. Finalement, ça part d’un instinct de survie!», lance-t-il d’un air amusé.

Bien plus tard, il a étudié l’histoire de l’art à l’université. C’est à ce moment qu’il a acheté ses premiers carnets de dessin et qu’il a véritablement commencé à «travailler» son côté artistique. Il dessine et il peint depuis environ 10 ans. «Un sommelier est toujours obligé de jouer la comédie, dit-il en éteignant avec impatience un cellulaire insistant. Il faut sourire sans arrêt, jouer un rôle. L’art, c’est l’endroit où je suis à l’aise, où je suis parfaitement moi-même.»

Modeste, il considère qu’il a plusieurs lacunes artistiques. «Je fais de l’art abstrait parce que c’est tout ce dont je suis capable! pouffe-t-il. Si j’étais bon dessinateur, je pourrais faire des œuvres plus réalistes. Les peintres de talent, par exemple, partent du réalisme pour aboutir à l’abstrait plus tard dans leur cheminement. Moi, je vais être obligé de faire le contraire.»

N’empêche, Patrick St-Vincent a signé une exposition à Strasbourg et une autre à Montréal, dans ce qui était un espace-galerie avant de devenir BU. Se considère-t-il comme un artiste? «Pourquoi pas? Mais en même temps, ce mot-là veut tout et rien dire à la fois. Chose certaine, un artiste doit produire, travailler à son art. Il faut y consacrer du temps. Pour ma part, j’alterne entre des périodes de travail artistique intensif et des périodes de pause.»

Au pinceau ou au fusain, il explore différentes formes artistiques depuis ses débuts. Mais sans jamais se prendre au sérieux. «Je ne suis vraiment pas dans le conceptuel. Je n’essaie pas d’innover. L’art, pour moi, est un moyen de communication, un point de vue sur quelque chose. C’est tout ce qui me touche de près ou de loin. Bref, c’est moi… dans le monde.»

En toute simplicité
Pour admirer les œuvres de Patrick St-Vincent, il faut pénétrer ses repaires secrets. Il n’a pas d’atelier – mais il en louait un pendant son séjour en Toscane –, mais chaque lieu qu’il a investi porte sa griffe. Comme l’appartement de sa douce, rue Saint-Denis à Montréal, où trône un magnifique triptyque dans une pièce qui fut jadis un atelier.

Ne cherchez pas non plus ses réalisations chez BU. Enfin, si : il y en a bien une qui dort sous une couche de poussière dans le sous-sol. C’est l’ancêtre de Poussin cru, un tableau qu’il a réalisé lorsqu’il séjournait à Strasbourg, en Alsace. «J’étais voisin d’une quincaillerie de grande surface. On m’y a créé un compte, et je ramassais ce que je voulais dans la cour : poudre pour colorer le béton, plaques isolantes, styromousse… Ça m’a coûté un bras, mais j’ai réalisé plein de trucs là-bas!»

Dans son appartement du Mile-End, à part les marques de rondelles de hockey sur le plancher, ce sont les œuvres d’un copain ainsi qu’une estampe de Robert Wolfe qu’on remarque. Ses propres dessins, Patrick St-Vincent les sort… du placard de sa chambre. Il extirpe finalement Poussin cru de la pile, l’une des nombreuses déclinaisons des traits de crayon caractéristiques qui habitent ses œuvres. La principale origine de ce titre est une histoire fascinante comme seul un bon sommelier sait les raconter : celle de la tante d’une vigneronne alsacienne venue récupérer un colis à la poste.

«Elle a entendu des poussins piailler dans une caisse. Il s’agissait d’une erreur. Le destinataire était inconnu, et les bêtes allaient être abandonnées à leur sort par les employés de la poste, qui ne savaient qu’en faire.» Horrifiée, la bonne dame les a ramenés sur sa ferme pour les arracher à la mort. Mais quelques semaines plus tard, les adorables créatures s’étaient métamorphosées en poulets difformes. Manifestement, ces laboratoires vivants avaient subi des transformations génétiques.

«La tante a été traitée de sorcière par tout le village! raconte Patrick. Cette aventure m’a inspiré parce qu’elle est à l’image de la société dans laquelle on vit : industrialisée à l’extrême, où la production de masse conduit à des aberrations.»

Ce n’est certes pas Patrick St-Vincent qui ira contre nature.

 

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Les cuvées réZin 2004 Vins naturels de la cave de Thierry Puzelat

Cette année, nous avons quitté la cave coopérative d’Estézargues dans le Gard, pour celle plus intime de Thierry Puzelat, non loin de Blois dans la Loire. Les cuvées réZin 2004 sont le résultat de trois jours de travail d’assemblage avant que nous puissions trouver l’équilibre idéal entre les différents vins qui entrent dans leurs composition. Les cuvées n’ont volontairement pas d’appellation d’origine, puisqu’elles sont de multiples origines! Ainsi, la mention vin de table n’est donc nullement péjorative, bien au contraire, puisqu’elle permet de faire des vins équilibrés, de caractères et sans grandes contrainte. Deux cuvées sans prétentions, qui permettent d’étancher sa soif au quotidien et sans se ruiner.

De plus en plus, les cuvées réZin sont destinées à l’amateur de vins naturels pour qui le plaisir réside dans la franchise des parfums et dans la personnalité davantage que dans les préjugés propres aux cépages ou aux appellations.

Le vigneron, Thierry Puzelat

Thierry, c’est l’un des deux frères Puzelat (Clos du Tue-B¦uf) de qui l’on prend régulièrement des Cheverny, des sauvignon et des pinot noir des plus émouvants; des vins extrêmes, non pas par leur concentration, mais bien par leur pureté de fruit, leur finesse et leur équilibre.

Les cuvées réZin 2004 sont 100% fruit, aucunes levures chimiques, aucuns acides, sucre de betterave ou enzymes ne sont employés dans sa confection.

Assemblée par nos soins à la cave et mis en bouteilles sans filtration.

Cuvée réZin blanc Patrick St-Vincent, artiste Vin de table 2004 17,85$

Élaboré à partir de raisins pour la pluspart issus de culture biologique,ce vin est parfumé, frais, élancé, en plus d’une rondeur structurante.

Vin d’artisan, à servir pas trop froid

stvincent

Cuvée réZin blanc
Thierry Puzelat
Vin de pays du jardin de la France