Plus fort que la mort

18 avril 2005
Martine Rioux
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Les toiles de Maguy Carpentier construisent des ponts entre les morts et les vivants. Une manière toute personnelle d’envisager la vie et l’art, avec fatalisme et grand optimisme. Et la marque d’une artiste de talent qui n’a pas fini de faire parler d’elle.

La mort fait intimement partie de la vie de Maguy Carpentier. Éprouvée par les deuils, cette artiste montréalaise de 33 ans fait renaître de lointains ancêtres qui reposaient jusqu’ici dans l’album photo familial.

Si l’élément déclencheur de son travail est le recul qu’elle a pris face au deuil, l’album est devenu sa principale source d’inspiration. Cet arbre généalogique visuel est le pilier de l’univers autobiographique qui est le sien. «J’ai senti le besoin d’aller voir de quoi avaient l’air mes ancêtres en me les appropriant à ma façon, dit-elle. Même si je n’ai pas connu la plupart de ceux qui posent ou qui ont pris les photos, j’ai senti une espèce de filiation.» Travail d’équipe outre-tombe, en quelque sorte.

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Sur un tableau posent des grand-tantes hilares. Sur un autre, un grand-oncle s’envole dans le ciel. Un toit, un train ou un pont unit ces personnages, qui ont vécu au Québec dans la première moitié du 20e siècle. Ils ne se sont pas nécessairement connus, mais se côtoient désormais pour la postérité sous des volutes vert et orangé, omniprésentes dans les séries de l’artiste.

«Le vert symbolise l’espoir, et l’orangé est toujours le fil conducteur, le fil de vie. J’étire les personnages ou je les place dans les airs, car je crée ma propre symbolique par rapport aux photos que je vois. J’associe une base figurative à une composition abstraite, et c’est ainsi que se compose mon univers.»

Mémoire vive
L’autre fil dans l’œuvre de Maguy est la réminiscence, une thématique qui sous-tend toute sa démarche. Il s’agit d’un sentiment de déjà vu, explique-t-elle, une sorte de perception qui hante le subconscient, sans pourtant être liée à un souvenir précis. «Ce sentiment me fascine. C’est un mélange de compréhension et de non-compréhension, de concret et d’abstrait. Il puise dans le passé et forge notre identité. Qui serait-on si on ne nourrissait pas de liens avec le passé?»

Conséquemment, son attrait pour la mort est tout sauf morbide. «À force de la côtoyer, j’ai fini par trouver la mort… presque belle. Elle m’est devenue familière. C’est quelque chose avec lequel je me sens bien, et ce n’est pas négatif, au contraire.»

La peinture n’est pas pour elle une forme de thérapie, mais plutôt une commémoration du passé, une célébration de la vie qui a été et qui sera. D’ailleurs, certains peuples ont pour coutume d’exhumer les ossements des défunts lors de fêtes joyeuses, remarque Maguy Carpentier. «Je fais un peu la même chose. La mémoire, je la mets en images pour ne pas l’oublier.»

Dans son atelier du quartier Saint-Henri, à Montréal, l’artiste décompose et recompose la matière de la même façon qu’on reconstitue un souvenir. Elle coupe, découpe, colle et recolle, à la manière du temps qui imprime des strates dans un tronc d’arbre. Ses toiles se présentent par superpositions de différents médiums. Elle numérise d’abord les photos et les travaille avec le logiciel Photoshop. Elle les imprime ensuite, puis utilise le transfert d’images et le marouflage (grattage) pour les coucher sur la toile. Elle poursuit sa composition en superposant crayon graphite, encre, acrylique, pastel gras, et enfin, vernis.

Outre le dessin et la peinture, la jeune femme a aussi exploré la sculpture et a signé quelques installations, dont Téléscopage #5, un projet où elle a recréé un monde avec des éléments de sa famille trépassée : une paire de lunettes ayant appartenu à sa grand-mère paternelle, une robe de la grand-mère maternelle, un fauteuil de famille… «J’aime créer des installations, mais je suis très attachée à la toile. Éventuellement, j’aimerais aussi peindre sur d’autres types de matériaux, comme des peaux tannées et tirées.»

Éveil tardif
On s’en doute, la vie n’a pas toujours été tendre envers cette jeune peintre, et la vocation artistique a mis du temps à s’imposer de façon définitive. Pourtant, dès l’école primaire, Maguy nourrissait un penchant pour la peinture. Constatant son intérêt et son talent, un professeur d’art plastique a offert de lui donner des cours de peinture après l’école. Curieusement, son premier tableau – réalisé à l’âge de huit ans – représentait un paysage où figurait un ballon orange, à l’image de ses œuvres actuelles.

Ce n’est que bien plus tard, en 2000, qu’elle a décroché un certificat en arts plastiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle a par la suite complété un baccalauréat en arts visuels de l’université Concordia, obtenu en 2003. Une bourse du Millénaire (octroyée par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec – CREPUQ) lui a enfin permis de parfaire son apprentissage en étudiant un an à Aix-en-Provence, en France.

Elle a commencé à plancher sur le thème de la réminiscence à la fin de l’année 2003, alors que s’est présentée une occasion inouïe d’exposer en solo à la Galerie SAS, à Montréal. «Cette opportunité a déclenché une force de création qui m’a fait renaître. J’ai alors créé de façon intensive toute la première phase de la série Réminiscence.»

Depuis, Maguy a notamment fait l’objet d’une exposition solo à la Galerie Samuel Lallouz, qui la représente désormais. Elle a aussi participé à une exposition collective à Toronto, où elle se fait connaître de plus en plus, et a collaboré pendant deux années consécutives à l’événement montréalais Nuit blanche.

Elle travaille actuellement à la quatrième phase de la série Réminescence, un thème qu’elle n’est pas près d’abandonner. Plus elle avance, plus les personnages rajeunissent : Maguy remonte le fil de l’arbre généalogique pour choisir des membres de la famille plus près de la génération de ses parents, morts ou vivants. Chemises à carreaux et cheveux longs remplaceront graduellement coiffures sages et frous-frous. «Un jour, je vais sûrement apparaître sur mes toiles! Je veux faire évoluer mon travail au même titre que j’évolue moi-même.»

Son œuvre progresse également au même titre que progresse le rapport de la société à la photo, remarque-t-elle : dans les années 40, une prise de photo demeurait un événement plutôt exceptionnel, et les ancêtres étaient plus ou moins à l’aise devant l’objectif. Comme l’appareil photo est aujourd’hui à portée de main, les clichés sont forcément plus spontanés.

«Tous ces bouleversements me stimulent beaucoup. J’ai hâte de découvrir comment l’évolution du support photographique va changer ma façon de travailler!» Et nous donc…

 

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Cuvée réZin 2005 Vin de Table.

Les années passent, les cuvées réZin changent, mais s’adressent toujours à l’amateur de vins naturels pour qui le plaisir réside dans la franchise des parfums et la personnalité, plus que dans les préjugés attachés aux cépages ou aux appellations.

Le vin est issu de raisins cultivés le plus naturellement possible et la main du vigneron n’intervient dans la vinification, comme dans l’élevage, que pour sublimer le fruit et son origine.

Comme chaque année, il s’agit de vin 100% fruit, sans levures chimiques ni acides, sucre de betteraves ou enzymes ajoutées. Il est assemblé par nos soins à la cave et mis en bouteilles sans filtration. Ce procédé permet d’embouteiller un produit fidèle à l’essence même du fruit, du millésime et du terroir d’origine.

Assurément, 2005 restera certainement dans les annales comme étant l’un des plus beaux millésimes de cuvée réZin. Le vin est à la fois structuré, fruité et équilibré. Il présente une fraîcheur exemplaire qui donne la sensation de croquer dans le fruit. Bien plus qu’un simple vin de pique-nique, la cuvée 2005 prendra vraiment tout son sens à table. Les détracteurs qui reprochaient à l’édition précédente un corps un peu trop fluide et un certain perlant devraient trouver satisfaction dans cette nouvelle édition.

Nous vous recommandons de boire la cuvée Rézin un peu rafraîchie (16 degrés celsius) sur des grillades, ou avec des fromages à pâtes fermes et pas trop corsés, de la charcuterie, du poulet BBQ… bref, toutes les fois que l’occasion appelle le lardon !

carpentier

Cuvée réZin rouge
Maguy Carpentier
Vin de Table