Un parcours dans l'inconnu

3 mai 2002
Maria Turner
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Jeune peintre, Jean-Sébastien Denis aborde son art comme une série d’expériences sans savoir nécessairement à quel résultat s’attendre. L’important pour lui est qu’on l’accompagne dans cette exploration, par ses oeuvres abstraites qui nous séduisent et nous perturbent en même temps.

Jean-Sébastien Denis est à la recherche de quelque chose. Ça ne le dérange pas s’il ne sait pas ce que c’est — en fait, il préfère cela. Il voit son art comme une grande exploration de l’inconnu et il ne sait jamais où ce chemin va le mener. C’est un trajet que le jeune peintre poursuit depuis plus de dix ans. Il a commencé au cégep à Sherbrooke où il s’est mis à étudier les arts plastiques, se concentrant sur la sculpture et le dessin ; il a découvert la peinture à la toute fin de ses études collégiales. Par la suite, il a pris trois ans pour « se retrouver » dans son art (il a réussi malgré son jeune âge à présenter des expositions dans de petites galeries à Sherbrooke) avant de venir s’installer à Montréal en 1993 pour étudier l’art à l’université. Aujourd’hui il peint dans son atelier de la rue Beaubien, où on peut voir les resultats de cette odyssée.

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Vous n’avez qu’à parler à Jean-Sébastien pour savoir que c’est quelqu’un de passionné par son art. « Je n’aime pas travailler. En fait, je hais le travail », sourit-il en haussant les épaules. Passer des heures devant ses toiles, immergé dans la peinture, ce n’est pas du travail pour lui, c’est un plaisir. Malgré son air sérieux et timide (impossible de visualiser cet homme grand et maigre dansant la salsa quoique ce soit un de ses passe-temps), il parle de son processus artistique avec un enthousiasme qui est à la fois sincère et captivant. « Je fais des choses, je regarde les liens qui se créent. Je ne sais jamais où je m’en vais. »

Il admet que d’être toujours dans l’inconnu peut être déstabilisant, mais il trouve cela séduisant. Il joue avec ce sentiment dans ses peintures abstraites : « Je suis toujours pris entre deux choses, et c’est ça que je veux. En même temps que j’espère que ça donne quelque chose d’intéressant et d’agréable à regarder, je veux aussi déstabiliser. » Ça fait seulement un an que Jean-Sébastien travaille dans le style abstrait, mais ça fait longtemps qu’il travaille avec cette tension « entre deux choses ». Pendant des années, il a représenté des corps avec lesquels il a voulu créer quelque chose de séduisant et de répugnant à la fois — encore une façon de déstabiliser l’observateur.

Dans le laboratoire de l’artiste
En fait, ce n’est pas étonnant d’apprendre que Jean-Sébastien a voulu être chimiste à l’âge de sept ans car il décrit sa démarche en des termes presque scientifiques. « Je fais des expériences, guidé par des principes de recherche, explique-t-il, qui consistent, pour moi, à trouver une direction dans l’éparpillement, et de créer des forces mouvantes entre divers éléments contradictoires. » Il commence toujours par construire un fond sur une toile — c’est la partie la plus libre de son processus — avec le papier ou la peinture, ou avec un mélange de matériaux. Ce fond, avec ses couleurs et ses textures, devient la contrainte de l’expérience. Ensuite, encadré par cette contrainte, il applique le dessin, puis la peinture, toujours en utilisant des techniques différentes. C’est là où il s’embarque réellement dans son voyage. Il est essentiel pour Jean-Sébastien qu’on voie des traces de son cheminement dans le résultat final — le processus fait partie du propos pour lui — sans savoir nécessairement où il a commencé ni où il a terminé.

« Aujourd’hui il n’y a plus de mouvements réels dans l’art », répond-il avec une certaine impatience à la question de savoir à quel genre d’art il appartient. On voit des influences des expressionnistes abstraits dans son oeuvre — et il admet que cette époque l’inspire beaucoup, entre autres — mais il souligne qu’il ne fait pas la même chose qu’eux. « On ne peut plus faire la peinture comme dans les années 1950 et 1960, continue-t-il, on n’a pas la même naïveté ; on n’habite plus dans le même monde. » Il n’éprouve pas de nostalgie particulière pour cette période — il apprécie beaucoup le défi de travailler dans le monde actuel. Cependant, il se plaint qu’il y a aujourd’hui une tendance du milieu artistique à trop analyser froidement ou ironiquement: «L’esthétique a été complètement évacuée. Philosophiquement, elle n’a plus de sens, la beauté non plus. Tout ce qui reste est l’analyse sociologique et ça crée un détachement. Il faut que j’oublie l’analyse quand je travaille, je ne peux pas rester détaché.»

Toujours intrigué par plusieurs aspects de l’art, Jean-Sébastien a expérimenté différents médias depuis sa jeunesse. Le fait que ses parents aient été artisans, tous les deux potiers, a peut-être joué un rôle dans cette orientation. Très jeune il voulait faire des bandes dessinées et on peut facilement imaginer ce jeune homme tranquille, adolescent dans sa chambre en train de dessiner des BD pendant des heures. À l’école secondaire il a commencé à s’intéresser au cinéma, un intérêt qui s’est manifesté au travers de ses expériences en vidéo et photographie et qui prend forme aujourd’hui dans une passion pour les films commerciaux.

Une vocation
S’il le pouvait, Jean-Sébastien se consacrerait entièrement à son art. C’est ce qui l’intéresse vraiment dans la vie, mais, comme la plupart des artistes, sa situation financière ne lui accorde pas cette liberté. Avec sa copine, elle-même artiste, il travaille pour une compagnie de design qui réalise des murales dans des supermarchés. C’est payant, mais après cinq ans il est « tanné ». Heureusement, depuis qu’il expose à la galerie Simon Blais, ses oeuvres commencent à se vendre. L’argent ainsi gagné va lui permettre de se vouer pendant quelques mois à ses projets, et il n’en manque pas : cinq expositions sont prévues dans la prochaine année!

Bien qu’il parle avec un certain appétit des bonnes choses de la vie qu’il ne peut pas s’offrir en ce moment (la bouffe gastronomique, le vin, les voyages, etc.), pour Jean-Sébastien, la priorité est ailleurs. « J’ai un amour pour la peinture », affirme-t-il. Et on sent que, pour lui, cela le nourrit amplement.

 

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C’est un vin de pays du Gard que nous vous proposons cette fois-ci. Cette cuvée a été sélectionnée par nos soins dans la même cave du sud de la France que l’an dernier. Le vin est toujours issu de raisins cutltivés le plus naturellement possible et la vinification, comme l’élevage, se déroulent avec un minimum d’interventions.

La cuvée 2002 se caractérise par plus de fraîcheur dans le fruité et un poil plus d’élégance par rapport au millésime précédent. Le côté friand, qui appelle rapidement la deuxième bouteille, est aussi plus accentué.

dénis