Quelque chose d'onirique

19 juin 2004
Martine Rioux
Partager

Photographe qui loge hors du temps et des modes, Éliane Excoffier signe des nus féminins d’une sensibilité désarmante. Photoshop n’est pas près d’entrer dans son studio : au contraire, c’est dans la chambre noire qu’elle révèle toute la puissance de son talent. Tout naturellement.

Un rideau de douche en plastique rouge, un vieux divan, un cadre immortalisant la promotion 1960 d’une école commerciale, vestige d’une autre époque sauvé in extremis des ordures. Bienvenue dans l’univers anachronique d’Éliane Excoffier, jeune photographe d’un autre siècle. Son studio de la rue Bellechasse est à son image, et à l’image de son travail : sans artifices. Elle n’aime d’ailleurs pas beaucoup parler d’elle. «Je ne suis pas très bonne en entrevue», prévient-elle avec un sourire délicieusement pudique. Parfait, nous causerons photo.

Partager

Elle y a abouti sans trop savoir comment. Petite, elle n’était surtout pas du genre kid kodak, ni du genre à savoir ce qu’elle allait faire dans la vie avant de savoir marcher. Même son DEC en arts plastiques l’a laissée indécise. Peut-être fera-t-elle graphiste? Elle a opté pour l’Université de Montréal, où elle a complété une majeure en histoire de l’art et une mineure en arts plastiques.

Ce n’est qu’à la toute fin de ses études qu’une chambre noire la révèle à sa passion. Elle a le coup de foudre pour la photographie et ce qu’elle lui permet d’exprimer. «J’arrivais à transposer en images ce que je n’arrivais pas à faire avec le dessin, explique-t-elle. C’est comme si un univers s’ouvrait avec la photo. Comme si je devenais plus créative.»

Divines féminités
Créative, elle l’est assurément. Même si le thème a été maintes fois abordé avant elle, ses photos dévoilent le corps féminin d’une façon tout à fait personnelle. «J’aime le nu féminin parce que c’est indémodable, dit-elle. Ça peut être un terrain glissant puisqu’il a été si souvent exploité, mais pour l’instant, c’est ce que j’aime voir dans mes images.»

En 1997, sa première exposition, Rituels, présentait les corps de nageuses imaginaires superposées au carrelage de la piscine désaffectée du pavillon universitaire où elle étudiait. «Abandonnée depuis des années, cette piscine avait quelque chose de lugubre, raconte l’artiste. Elle était remplie de vieux livres, l’endroit sentait l’humidité. Ça m’a inspirée; j’ai fait des photos. Puis, j’en ai fait d’autres de filles en maillot, que j’avais fait coucher sur des serviettes dans mon salon. J’ai superposé les deux au tirage.» Le résultat est saisissant, tout en transparences.

C’est le peintre Peter Krausz, dont elle a été l’élève et l’assistante, qui l’a poussée à réaliser cette première exposition à la Galerie du SAC de l’université. «J’étais vraiment terrifiée à cette idée. À ma grande surprise, l’expo s’est vraiment bien passée!, dit-elle en riant d’elle-même. Il y a eu de bonnes réactions. Je dois une fière chandelle à Peter.»

Lumineuse intuition
Les corps fantomatiques et évanescents ont continué de l’habiter depuis. Petit lexique de beauté, sa seconde exposition – également couronnée de succès – illustrait l’univers de femmes croquées dans leur intimité. Avec Obscures, qui occupait l’affiche en 2004 à la défunte galerie d’art contemporain Sylviane Poirier, le corps féminin s’est érotisé et s’est exposé davantage : les contours sont baignés d’une lumière douce et vaporeuse, tandis que les visages restent dans l’ombre. On dirait que ces femmes sortent d’un autre siècle…

Comment fait-elle pour jouer si habilement avec les clairs-obscurs? L’artiste profite de la question pour aller chercher l’appareil photo qui a servi à construire la série Obscures : une boîte de carton de sa fabrication. C’est une camera obscura, ou sténopé, une boîte percée d’un trou de la grosseur d’une épingle et à l’intérieur de laquelle elle colle un papier photo qui lui sert de négatif. «Après quelques minutes – entre quatre et cinq pour la série Obscures, mais je dois expérimenter beaucoup pour arriver à l’exposition idéale – l’image (un négatif) s’imprime sur le papier. Je tire ensuite un positif dans la chambre noire.»

C’est tout Éliane Excoffier : réduire l’art à sa plus simple expression. Elle n’a jamais travaillé avec le numérique et le flash, et abhorre les œuvres couleurs grand format très à la mode par les temps qui courent. «Si j’appartiens à une famille artistique, c’est celle du traditionnel. J’aime travailler avec le négatif, l’agrandisseur, le papier photo, la lumière naturelle. Je n’aime pas le côté technique de la photo. J’y vais toujours avec l’intuition.»

L’art de l’accident
Tous ses modèles sont non professionnels. Sa sœur, sa mère ou des copines ont posé pour elle, amenant tantôt un châle ou un chapeau pour la séance. Jamais de styliste, évidemment : elle préfère de loin la simplicité. Surtout, elle prend le temps qu’il faut pour fixer sur pellicule ce qu’elle devine être une image prometteuse, puisqu’à la camera obscura, elle n’a pas de viseur pour évaluer d’avance la qualité du cliché. Si elle déplace la boîte d’un centimètre, ou encore, elle attend cinq secondes supplémentaires avant de retirer le papier photo, le résultat sera différent.

«C’est la part de l’accident qui me plaît dans cette façon de travailler. En fait, une bonne photo est simplement un bon accident…» Dans Obscures, on sent son amour de la vieille photographie, sa principale source d’inspiration. «J’aime beaucoup les photos érotiques anonymes de la fin du 19e siècle. Je n’ai pas d’influence particulière, sinon peut-être E.J. Bellocq, un photographe américain célèbre il y a une centaine d’années pour ses portraits de prostituées de la Nouvelle-Orléans. Au-delà de l’image de la femme, on sent dans ses photos un regard tendre, une certaine sympathie pour elles. Ça me plaît beaucoup.»

La série dont est issue la photo qui illustre l’étiquette de la Cuvée RéZin 2005, Nu rouge, est une autre expérimentation comme elle les aime : elle a utilisé un Polaroïd datant du début des années 1970 devant lequel elle a placé un rideau de douche transparent et rouge. Aujourd’hui, entre deux séances de photographies d’objets d’art – puisqu’il lui faut bien gagner sa vie -, elle continue à travailler ses nus avec cette caméra rudimentaire. «Je ne sais pas trop ce que la prochaine série va donner!» lance-t-elle modestement. On parie?

 

Partager

Les cuvées réZin 2004 Vins naturels de la cave de Thierry Puzelat

Cette année, nous avons quitté la cave coopérative d’Estézargues dans le Gard, pour celle plus intime de Thierry Puzelat, non loin de Blois dans la Loire. Les cuvées réZin 2004 sont le résultat de trois jours de travail d’assemblage avant que nous puissions trouver l’équilibre idéal entre les différents vins qui entrent dans leurs composition. Les cuvées n’ont volontairement pas d’appellation d’origine, puisqu’elles sont de multiples origines! Ainsi, la mention vin de table n’est donc nullement péjorative, bien au contraire, puisqu’elle permet de faire des vins équilibrés, de caractères et sans grandes contrainte. Deux cuvées sans prétentions, qui permettent d’étancher sa soif au quotidien et sans se ruiner.

De plus en plus, les cuvées réZin sont destinées à l’amateur de vins naturels pour qui le plaisir réside dans la franchise des parfums et dans la personnalité davantage que dans les préjugés propres aux cépages ou aux appellations.


Le vigneron, Thierry Puzelat

Thierry, c’est l’un des deux frères Puzelat (Clos du Tue-Boeuf) de qui l’on prend régulièrement des Cheverny, des sauvignon et des pinot noir des plus émouvants; des vins extrêmes, non pas par leur concentration, mais bien par leur pureté de fruit, leur finesse et leur équilibre.

Les cuvées réZin 2004 sont 100% fruit, aucunes levures chimiques, aucuns acides, sucre de betterave ou enzymes ne sont employés dans sa confection.

Assemblée par nos soins à la cave et mis en bouteilles sans filtration.

Cuvée réZin rouge Élianne Excoffier, artiste Vin de table 2004 15,00$

Concoctée à partir de lots du nord pour leurs fraîcheur, vivacité et finesse et des lots du sud pour leur densité, puissance et structure.

Vin de soif à servir un peu rafraîchi

excorier

Cuvée réZin rouge
Thierry Puzelat
Vin de pays du jardin de la France